Les troubles attentionnels au travail : comprendre, diagnostiquer et accompagner

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Dans un environnement professionnel où la rapidité, la flexibilité et la polyvalence sont devenues la norme, l'attention occupe une place centrale. Or, de nombreux salariés ou indépendants rencontrent des difficultés attentionnelles qui perturbent leur efficacité, leur bien‑être et leur équilibre de vie. Ces troubles, souvent méconnus ou banalisés, ne relèvent pas toujours d'une pathologie lourde, mais peuvent avoir des conséquences importantes s'ils ne sont pas identifiés et pris en charge.

Cet article propose d'explorer les différents types de troubles attentionnels au travail, leurs manifestations, leurs origines, ainsi que les outils neuropsychologiques et les stratégies d'accompagnement permettant d'y répondre.

Qu'entend‑on par attention ?

L'attention est une fonction cognitive complexe qui permet de sélectionner, traiter et maintenir l'information pertinente dans un environnement riche en stimulations. Elle se décline en plusieurs composantes :

  • Attention soutenue : capacité à maintenir sa concentration sur une tâche dans la durée.
  • Attention sélective : faculté de se focaliser sur une information en ignorant les distractions.
  • Attention divisée : possibilité de gérer plusieurs tâches en parallèle.
  • Flexibilité attentionnelle : aptitude à passer rapidement d'une tâche à une autre.

Au travail, ces compétences sont sollicitées en permanence : lecture d'un rapport, participation à une réunion, gestion simultanée de mails et d'appels, planification de projets… Quand l'une ou plusieurs de ces composantes sont altérées, la performance et le bien‑être s'en trouvent impactés.

Les signes des troubles attentionnels au travail

Les troubles attentionnels ne se manifestent pas toujours de manière spectaculaire. Souvent, ils s'installent de façon insidieuse et se traduisent par :

  • des difficultés de concentration prolongée (lecture interrompue, incapacité à terminer un rapport, fatigue rapide face à des tâches monotones),
  • une distractibilité excessive (bruits de bureau, notifications, conversations environnantes),
  • des erreurs d'inattention répétées (oublis, omissions, confusion dans les dossiers),
  • une lenteur d'exécution due à la nécessité de relire ou revérifier plusieurs fois,
  • des difficultés d'organisation et de gestion des priorités,
  • un sentiment de surcharge cognitive (« trop de choses en tête », difficulté à trier l'essentiel).

Ces manifestations entraînent non seulement une baisse d'efficacité professionnelle, mais aussi une altération de la confiance en soi et parfois des tensions avec les collègues ou la hiérarchie.

Origines possibles des troubles attentionnels au travail

Les troubles attentionnels peuvent avoir des causes très diverses :

Facteurs cognitifs et neuropsychologiques

  • TDA/H de l'adulte (trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité),
  • séquelles d'un traumatisme crânien ou d'un accident vasculaire cérébral,
  • atteintes neurologiques (épilepsie, sclérose en plaques, maladies neurodégénératives débutantes).

Facteurs environnementaux

  • surcharge de travail, open spaces bruyants, interruptions fréquentes,
  • multitasking imposé par les outils numériques.

Facteurs psychologiques et émotionnels

  • anxiété, stress chronique, troubles du sommeil,
  • préoccupations personnelles envahissantes.

Facteurs physiologiques

  • fatigue, douleurs chroniques, carences alimentaires,
  • effets secondaires de certains traitements médicamenteux.

L'enjeu est donc de distinguer un trouble attentionnel lié à un contexte réversible (fatigue, stress ponctuel, conditions de travail) d'un trouble cognitif durable nécessitant un bilan approfondi.

L'apport du bilan neuropsychologique

Le bilan neuropsychologique est un outil essentiel pour objectiver et comprendre les troubles attentionnels. Il se déroule en plusieurs étapes :

  • entretien préalable pour cerner les difficultés rencontrées dans le cadre professionnel,
  • passation de tests spécifiques (attention soutenue, sélective, divisée, mémoire de travail, fonctions exécutives),
  • analyse des résultats en comparaison à une population de référence,
  • restitution claire permettant au patient de comprendre ses forces et ses fragilités.

Ce bilan permet de :

  • confirmer ou infirmer l'existence d'un trouble attentionnel,
  • identifier les mécanismes sous‑jacents (fatigue cognitive, impulsivité, distractibilité, lenteur de traitement),
  • orienter vers un accompagnement adapté (remédiation cognitive, conseils organisationnels, aménagements en entreprise).

Conséquences des troubles attentionnels au travail

Les répercussions sont multiples et ne concernent pas uniquement la productivité :

  • Sur le plan professionnel : baisse de rendement, erreurs répétées, retards, difficultés à respecter les délais, image de « manque de sérieux ».
  • Sur le plan psychologique : perte de confiance, anxiété de performance, isolement, sentiment d'injustice (« je travaille dur mais ça ne se voit pas »).
  • Sur le plan relationnel : tensions avec les collègues, incompréhensions avec les managers, difficultés à travailler en équipe.

Sans accompagnement, ces troubles peuvent conduire à une spirale négative : baisse d'efficacité → pression accrue → stress → aggravation des troubles.

Stratégies d'accompagnement et de remédiation

Une fois identifiés, les troubles attentionnels peuvent être atténués grâce à différentes approches :

Remédiation cognitive

  • exercices ciblés pour renforcer l'attention soutenue,
  • stratégies d'inhibition pour mieux résister aux distractions,
  • entraînement à la flexibilité cognitive (changement de tâches, adaptation aux imprévus).

Stratégies organisationnelles

  • planification par petites étapes,
  • utilisation d'outils numériques d'aide (agenda partagé, applications de rappel),
  • techniques de priorisation (méthode Eisenhower, Pomodoro).

Aménagements en entreprise

  • limiter les interruptions (plages horaires sans mails ni appels),
  • réduire l'exposition aux distracteurs (casque anti‑bruit, espace calme),
  • clarification des consignes et découpage des objectifs.

Hygiène de vie et prévention

  • améliorer le sommeil,
  • favoriser les pauses actives,
  • maintenir une alimentation équilibrée et une activité physique régulière.

L'importance du soutien psychologique cognitif

Tous les patients présentant des difficultés attentionnelles ne nécessitent pas un bilan complet. Dans certains cas, un soutien psychologique cognitif suffit : il s'agit de séances centrées sur les problèmes rencontrés dans la vie quotidienne et professionnelle (organisation, charge mentale, efficacité au travail), sans rechercher nécessairement une pathologie.

Ce type d'accompagnement permet de :

  • mettre des mots sur les difficultés,
  • proposer des outils pratiques adaptés à la situation du patient,
  • redonner confiance et autonomie.

Les troubles attentionnels au travail sont fréquents mais souvent mal compris. Ils ne relèvent pas uniquement d'un manque de volonté ou de motivation : il s'agit de difficultés cognitives qui peuvent avoir de multiples causes. Grâce au bilan neuropsychologique et aux séances de remédiation ou de soutien cognitif, il est possible d'identifier précisément ces troubles et de mettre en place des solutions concrètes.

En redonnant aux patients des stratégies adaptées, on leur permet non seulement d'améliorer leur efficacité professionnelle, mais aussi de retrouver une meilleure qualité de vie.

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La neuropsychologie est une spécialité de la psychologie qui étudie les fonctions supérieures (langage, mémoire, attention, etc…) et leur rapport avec les structures cérébrales. Le rôle du neuropsychologue est d'évaluer, comprendre et accompagner les personnes qui rencontrent des difficultés cognitives.